lundi, janvier 08, 2007

Le mot vulgaire du jour : commercial

À l'instar de fasciste, l'adjectif commercial est devenu un mot vulgairement affectionné par l'homme de la rue, qu'il utilise comme une insulte dont la définition est pour le moins floue.

Quelques exemples en vrac : « Noël, c'est devenu les cadeaux, c'est commercial », « regarde-moi ce connard, avec son sourire de commercial », ou encore « XXX, j'aimais bien son premier album mais là il devient vraiment trop commercial ! ».

Je me permet, non sans une certainte désinvolture, de laisser de côté les 2 premiers exemples pour me concentrer sur le troisième. Vous êtes bien centrés ? Bon. Qu'est-ce donc qu'un chanteur/auteur/groupe commercial ? Si on s'en tient à la définition que les vieux croutons du Quai Conti ont daigné nous pondre entre deux péroraisons sur l'orthographe idoine de zigounette, commercial veut dire au sens premier « qui a trait au commerce ». Poussant un peu plus loin, on voit « Péj. Mercantile ; qui vise uniquement le profit ».

Grands dieux ! Les artistes voudraient donc ... gagner de l'argent ? Pire, ils voudraient ... faire des choses qui plaisent au public ? Ah, bien sûr, vous allez me parler du message que tout artiste se doit d'avoir, de cette plainte d'écorché vif qui dénonce les grands maux des sociétés, qui fait mal en faisait du bien (ou le contraire), qui nous montre que « nous n'avions pas vu ce que nous avions vu » comme le disait Valéry (pas le vieux volcan, l'autre). Par exemple, Bach : je ne me lasse pas d'écouter les paroles endiablées des variations Goldberg ou des concertos brandebourgeois. Euh, attendez ... Pouf pouf. On va mettre de côté l'aspect engagé.

La bonne réponse, c'est bien que l'auteur se doit de montrer son âme intérieure, sa sensibilité exacerbée au monde qui nous entoure ; être commercial, c'est aller chercher chez les autres ce que l'on veut faire, c'est se polluer au contact horrible d'autrui. Pouah ! Quel artiste digne de ce nom peut se permettre d'écouter les autres ? Non, il doit être dans sa tour d'ivoire, ne pas prendre en compte le goût de qui que ce soit, sinon c'est de la prostitution. D'ailleurs, s'il vend et que ça marche, c'est que son goût a été perverti - sauf des fois, où les gens achètent sans comprendre le génie de l'artiste forcément incompris (sinon il ne serait plus artiste mais commercial). Euh, attendez, ça fait des autistes qui pondent des bouses ... Pouf pouf. On va mettre de côté l'aspect personnel.

Ah, ça y est, j'ai trouvé : l'auteur doit être indépendant. Il ne doit pas dépendre d'une grande maison d'édition, parce que c'est le mal, voyez ? Non, il ne doit pas non plus gagner d'argent, et crever de faim pour qu'on puisse enfin s'arracher ses oeuvres. S'il gagne de l'argent, forcément il fait de la merde. Et d'ailleurs, s'il est pauvre, forcément il est génial. Euh, attendez ... Pouf pouf.

Zut (je sais, je suis horriblement vulgaire, mais j'ai relu un Tintin pendant ces vacances), il ne reste plus grand chose. Peut-être que la meilleure définition serait : « Commercial : que l'on n'aime pas ».

Je crois savoir d'où ça vient, cela procède d'une espèce d'élitisme à la con : pour être branché il faut être underground ; avoir le goût du peuple, aimer la même chose que trop de gens (qui ne sont pas branchés), c'est vulgaire. Oui, mais dit comme ça, on se rend compte que c'est néo-aristocratique (version merdique) ; les plus branchouilles étant bien souvent des gauche-caviaristes, il fallait un terme qui montre à la fois à quel point ces gens sont de gauche mais sont au-dessus du peuple ; ils ont donc inventé commercial, qui fait d'une pierre deux coups.

Je vous invite donc à traiter la prochaine personne qui vous fait un laïus sur la musique commerciale de dangereux djackiste - ce que je considère comme une insulte très grave !

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Tout arrive. Je commente.

Etant comme chacun sait nullement passionné et soucieux de ne m'exprimer qu'en nuances, je ferai le distinguo entre ce qui est "commercial" parce que se vendant bien, plaisant naturellement au plus grand nombre parce que "populaire", sans que ce n'ait été le but recherché.

Tel chanteur est "commercial" parce qu'il vend des centaines de milliers d'exemplaires, ce qui ne l'empêche pas d'avoir du talent. D'ailleurs, bien qu'estampillé commercial, il n'a guère besoin de faire de promotion, son nom seul est une garantie de vente.

Mais il y a ce qui est "commercial" parce que tout est dans la promotion d'un produit d'une nullité crasse. Une pimbêche qui chante à peine juste et qui participe à la Star Ac vend des tas d'albums (parfois) parce qu'elle a de beaux petits seins qu'elle sait montrer, qu'on lui invente des fiançailles puis une rupture "douloureuse", puis un dévouement à sa vieille mémé, qu'on loue son amour des minous, des perroquets, etc.
Un son trafiqué pour être sirupeux, faire le "tube" de l'été


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De nos jours, il y a un mot de trop: POPULAIRE. On peut le supprimer et l'assimiler à POPULISTE.

Quelle que soit la qualité d'une oeuvre, elle est forcément "commerciale" si elle plait à un peu plus que quelques milliers d'avertis qui se repassent éternellement la rhubarbe contre le séné.

Zola, Balzac, seraient "commerciaux". Pensez donc, des petites gens pas abonnés aux Inrockuptibles ou au Snobservateur, pas lecteurs du "Monde des livres" qui iraient acheter le journal ou passeraient au café (on l'y prêtait gracieusement, contre la prise d'une consommation) pour lire chaque jour l'épisode de la Comédie humaine, ou des Rougon-Maquart. dès centaines de milliers! Commercial, je vous dis!

Brassens serait "commercial" : il dépasserait les 5.000 disques vendus. Tout comme Brel.

Vilar et G Philippe monteraient un spectacle "commercial" à Avignon: ils faisaient de la Cour des Papes un théâtre populaire ou des gens s'arrêtaient pendant leurs trois semaines de congé (envahissant les campings et les hôtels miteux) pour découvrir "le Cid" dans une mise en scène décoiffante, au lieu de faire pisser et chier des "acteurs" devant un parterre de snobinards pâmés d'aise, et dépensant au minimum 300 euros par jour pour voir ça (budget quotidien d'un festivalier à Avignon, en 2006, vu les prix pratiqués: 13 euros le café-crème en terrasse)

Anonyme a dit…

DIS DONC, FAINEANT! quasiment deux mois sans note!

Baygon Jaune a dit…

En effet, j'ai même vaguement honte. J'ai été pris par ailleurs, et voilà, j'ai laissé le temps passer ... Je ne suis probablement pas fait pour la structure de type blog.
Quoi qu'il en soit, à la demande générale - c'est à dire à ta demande - je vais faire un effort pour écrire prochainement une bafouille.